Le soir, étant à table, à la desserte, Périgord alla quérir une vieille bouteille de vin de Puy-la-Brame, renommé dans toute la commune, et, ayant rempli les verres, il leva le sien et dit :
— À la victoire des armées de la République ! et à l’heureux retour de Gérémus !
Et nous trinquâmes tous de bon cœur, même la mère de Rosette. Brusquement, elle avait pris son parti et renoncé à voir sa fille la reine du Champbon ; d’ailleurs, quand le père avait parlé, c’était fini.
La soirée se passa pour les deux femmes à me préparer un peu de linge, des bas et des mouchoirs. Périgord alla au grenier chercher son sac de compagnon du tour de France, et sur la minuit, tout étant prêt, nous fûmes nous coucher.
De la nuit je ne dormis pas une minute, pour avoir en tête trop de choses qui m’émouvaient. Je pensais à l’invasion étrangère, à ma petite promise, au jour heureux du retour, et, haut enjuché sous la tuilée, j’entendais au loin le tambour battant toujours, affolé : ran tan plan, ran tan plan, ran tan plan…
Le lendemain matin, ayant embrassé vingt fois ma Rosette en larmes, j’allai faire mes adieux à mon parrain, après quoi je fus à la maison commune quérir ma feuille de route. Les onze enrôlés de la veille, nous nous retrouvâmes là, et, ayant reçu nos papiers, nous prîmes le chemin de Périgueux, convoyés jusqu’à Sainte-Yolée par une grande troupe de monde. Arrivés que nous fûmes à ce petit bourg,