On lui arrêta le bras, la batterie cessa et les enrôlements continuèrent.
Lorsque tous eurent signé ou fait leur croix, le maire dit à Thibal :
— Fais le tour de la commune, passe dans tous les villages, dis ce qui en est, et puis que les enrôlements sont ouverts à la mairie.
Sans répondre, Thibal s’en alla de son pas mécanique, battant fort et pressé : ran tan plan, ran tan plan, ran tan plan… tandis que le tocsin sonnait toujours.
Le vieux, ayant fait le tour de la commune, recommença le parcours, repassant dans les villages, toujours battant furieusement le rappel… Le soir venu, il repartit une troisième fois, et toute la nuit on ouït sur les puys et les coteaux la sinistre batterie : ran tan plan, ran tan plan, ran tan plan… Le matin, comme il recommençait sa tournée pour la cinquième fois, on l’arrêta ; le pauvre vieux était devenu fou…
Chez nous, toute la maisonnée avait couru sur la place, comme moi, de manière que nous revînmes ensemble. Rosette m’avait attrapé le bras, et nous marchions derrière les vieux sans rien dire.
Arrivés au logis, Périgord me dit, en montrant Rosette :
— Gérémus, embrasse ta femme ! elle t’attendra !
La pauvrette, lors, se jeta dans mes bras, et, ne se retenant plus, pleura doucement.
— Fais un bon souper, femme, ajouta La-Vertu : c’est un repas d’accordailles.