Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Les Autrichiens sont à la frontière, les Prussiens sont en France. L’Assemblée a décrété une levée de quatre cent cinquante mille hommes ; les enrôlements volontaires sont ouverts…

« Citoyens, la patrie est en danger ! »

Tandis qu’il parlait, il me semblait que les cheveux m’entraient dans la tête comme des aiguilles. Il n’eût pas achevé que je lui criai :

— Moi ! monsieur le maire ! écrivez Gérémus Albier !

— Moi ! moi ! crièrent alors d’autres garçons de tous côtés.

De suite on courut chercher une table, une chaise, et le vieux monsieur Hélian, maître ès-arts, apporta son écritoire de faïence où était fichée une grande plume d’oie.

Une dizaine de jeunes gens se pressèrent comme moi autour de la table.

— Monsieur le maire, dis-je, s’il vous plaît ! écrivez mon nom en tête, j’ai parlé le premier !

Il écrivit : Gérémus Albier, et puis, me passant la plume, dit :

— Signe !

En ce moment, sans ordre aucun, Thibal recommença à battre la caisse : ran tan plan, ran tan plan, ran tan plan

Tout le monde le regarda. De grosses larmes coulaient le long de ses joues tannées et venaient se perdre dans ses moustaches blanches ; le pauvre vieux soldat ne savait plus où il en était.