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devenu bon ouvrier, et Périgord tenait à moi parce que je lui faisais beaucoup d’ouvrage et qu’il ne me payait guère. Mais ce qui me fâchait fort, c’était que la mère de Rosette la tenait de plus près et que nous ne pouvions plus nous parler aussi aisément, ni nous aller promener tous deux comme ci-devant. Pourtant, tout de même, le soir après la journée faite, il n’y avait ordre de nous empêcher d’être ensemble devant la porte, et, le dimanche, ma petite mie s’échappait des fois pour me venir retrouver le long de la rivière ou sous les rochers.

Je ne sais pas trop comment tout ça aurait fini, lorsqu’un jour, vers la mi-juillet de 1792, nous entendîmes tout d’un coup sonner le tocsin et battre le rappel : ran tan plan, ran tan plan, ran tan plan

Nous courûmes sur la place de la Halle, où était déjà, au pied de l’arbre de la Liberté, le maire ceinturé de son écharpe et tenant des papiers à la main. Bientôt, arriva d’un pas saccadé le vieux Thibal, l’ancien tambour d’Auvergne, battant à tour de bras : ran tan plan, ran tan plan, ran tan plan

En un rien de temps, tout le bourg fut là, rassemblé devant le peuplier, et chacun se disait : « Qu’est-ce qu’il y a ? » Pour sûr, ça n’était rien de bon ; il n’y avait qu’à voir la figure du maire.

Tout d’un coup il fit signe à Thibal, qui cessa de battre, et, lors, ôtant son large chapeau à cocarde tricolore, il dit, d’une voix haute et forte :

« Citoyens, la patrie est en danger !