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connaissais qu’un, être avec Rosette, la voir, l’entretenir, lui dire que je l’aimais. Toutes ces pièces de demi-écu je les assemblais une par une, en vue de lui acheter une bague à Périgueux, le jour de la foire de la Saint-Mémoire, comme je fis.

Le dimanche ensuivant, nous nous promenions tous deux sous les rochers qui dominent le bourg de Tourtoirac, et d’où sort cette belle source claire et bouillonnante qui est renommée pour les tanneries du bourg. Le lieu un peu retiré, assez fourni d’arbres, à l’abri des regards curieux, était bien idoine aux entretiens des amants. J’avais mon bras autour de la taille de ma mie, et de mon autre main je tenais une des siennes. J’avais dix-sept ans alors, et j’étais un fier garçon ; elle n’en avait guère plus de treize, mais elle était fille faite. Nous commencions pour lors à être un peu plus amoureux, ou plutôt à l’être autrement, et à penser à d’autres choses plus sérieuses que les enfantillages des tout jeunes gens. J’avais bien souvent dansé avec Rosette, et je l’avais embrassée plus d’une fois en faisant des rondes, devant tout le monde ; mais, à cette heure, sans penser à mal, je rêvais de l’embrasser sans être vu de quiconque.

Ce jour-là, nous étant promenés un bon moment sans parler, ainsi enlacés comme j’ai dit, et le cœur nous battant fort à tous deux, je commençai à dire tout doucement à Rosette que je l’aimais plus que toutes choses au monde et que j’étais bien heureux de l’avoir là, serrée contre moi.