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Le repas de noces se fit ensuite à Saint-Orse chez les parents de la novie, et ce fut moi qui détachai, selon l’antique usage, la jarretière de la ci-devant converse du prieuré de Cubas. Puis les mariés allèrent s’établir à Périgueux à l’enseigne de la Treille d’Or, qui pendant quarante ans a été l’hôtellerie la plus renommée de la ville pour la cuisine, le vin et tout. Lorsqu’on avait parlé de souper chez « la Blonde », comme on avait baptisé l’ancienne sœur Félicité, on avait tout dit. Pour ce qui est de son homme, on l’a toujours appelé « frère Luc » ; il n’a jamais pu se défaire de ce nom, pas plus que moi de celui de « dom » Gérémus. Chez nous, les surnoms et sobriquets sont tenaces comme des ronces, où l’on est empêtré.

Moi, j’aurais bien voulu être en âge de faire comme frère Luc, d’épouser ma petite Rosette. Nous nous aimions toujours comme deux innocents que nous étions, sans nul souci de l’avenir, tant il nous semblait assuré qu’un jour nous serions mari et femme. Pourtant, des fois, je me disais : « Périgord a bien de quoi pour un artisan ; c’est à savoir s’il te voudra donner sa fille ! » Mais je ne m’arrêtais pas trop à cette idée.

Mon apprentissage achevé, j’étais resté à la boutique comme il avait été convenu. Mais pour le temps que je lui devais donner, le bourgeois ne me parlait de rien, ni moi à lui. Seulement, tous les samedis, il me baillait une pièce de rente sols pour m’amuser si j’en avais fantaisie. Mais, en fait de plaisirs, je n’en