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et y vécut en paix jusqu’à sa mort, respecté de tous.

L’abbaye étant vide d’habitants, frère Luc fut constitué par les autorités gardien des bâtiments et du mobilier, jusqu’au moment de la vente. Mais de ce moment il posa son froc de frère convers et vêtit une carmagnole comme un bon sans-culotte.

Les livres furent portés à Périgueux, où ils sont sans doute encore à la bibliothèque. Pour le mobilier dont l’abbaye regorgeait, tous les anciens cabinets à colonnes torses, les vieux bahuts, les coffres recouverts de cuir gaufré avec clous dorés, les chaires de noyer, les crédences, les tables de chêne, les lits à quenouilles, les tapisseries, les tableaux, les pintes à couvercle, les aiguières, la vaisselle d’étain marquée du sceau bénédictin, tout ça se vendit comme du pain. Les bâtiments et les biens-fonds furent adjugés pas cher à de bons patriotes, qui furent bien récompensés de leur confiance en la Nation, car pour plusieurs ces biens ecclésiastiques furent le commencement de leur fortune. Il y en avait pourtant d’un peu capons, qui, pour s’excuser d’acquérir ainsi de ces biens sacrés, disaient à l’oreille de ceux qui le leur reprochaient tout bas, que c’était pour les rendre aux gens d’Église, la bourrasque passée.

Mais du diable si aucun en a rien rendu ; ils les ont très bien gardés, et leurs hoirs et successeurs les ont encore dans leur héritage, qui sont gens de bien, bons royalistes, et craignant Dieu.

Peu de jours après la vente, tandis que je dégrossissais des planches pour faire un cercueil, je vis