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qui avait été reçu à faire sa profession et ses vœux après une année de noviciat. Il trouvait bien pénible de voir mise à néant la certitude qu’il avait eue de passer une heureuse et douce vie, exempte de soins, de peines et de soucis, derrière les hautes murailles de l’abbaye, en se promenant sous les cloîtres et en regardant paisiblement couler les eaux vertes de l’Haut-Vézère. Après s’être donné tant de mal, avoir tant sollicité, fait solliciter, et peut-être aussi financé pour obtenir sa nomination du seigneur abbé, le coup était dur en effet. Lui, qui tournait tout en risée, ne riait plus maintenant que la chose le touchait, comme il arrive souvent à ces grands rieurs.

Pour frère Luc, il avait ses projets et ne s’inquiétait pas de l’avenir, persuadé qu’un maître cuisinier comme lui se tirerait toujours d’affaire.

Quant au moine lai le vieux Navarre, il était pour toujours à l’abri des accidents vimaires, sous six pieds de terre au cimetière.

Lorsqu’arriva l’exécution du décret qui supprimait les chapitres, abbayes, prieurés, chapellenies et tous bénéfices sans charge d’âmes, dom La Hyerce, qui avait prêté serment à la Nation, fut placé comme curé du côté de Nontron. Dom de Marnyhac se retira chez son frère aîné dont le pigeonnier était aux environs de Salignac, dans le Périgord noir. Dom du Fayard s’en alla je ne sais où, et pour dom Cluzel, ayant reçu du district une rente viagère de huit cents livres, il se mit en pension chez le curé de Tourtoirac