La première année de mon apprentissage, quand vint la fête votive de la Saint-Laurent, qui tombe le second dimanche d’août, avec la permission de sa mère nous fûmes danser sous les grands platanes de la promenade, au son de la « chabrette ». Au carnaval ensuivant, des amies et cousines vinrent danser en famille chez elle, avec leurs frères et puis des voisins. Nous n’avions pas de musique, mais toutes ces filles chantaient pour la mesure et nous autres, les jeunes gens, trouvions que ça allait bien ainsi : du moins moi. Pourvu que je fusse avec ma petite Rosette à danser une sautière, une bourrée, à fringuer ou tourniquer, la tenant par sa taille fine, j’étais heureux. Dans le bourg on riait de nous voir toujours ensemble comme deux amoureux raisonnables. Lorsqu’il avait bu un petit coup, tout petit, car il n’était pas ivrogne, Périgord me disait en coyonnant :
— Mon gendre !
Et moi je riais aussi, bien content, et, si j’avais eu de l’argent, je lui aurais bien payé pinte souvent, pour l’entendre m’appeler comme ça.
C’était un brave homme, le père de Rosette, un peu brusque et rude pour le travail, mais brave homme tout de même. Au contraire, le compagnon qui travaillait à la boutique était un mauvais sournois du nom de Jean le Sarladais. Je n’étais pas depuis huit jours à l’établi que je connus qu’il ne m’aimait guère. Sous prétexte qu’il était un Dévorant, il aurait voulu me commander à tort et à travers, et même un peu me battre. Mais la première fois qu’il s’avisa