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s’entretenaient que de ça, avec une joyeuse mine, et d’aucuns s’embrassaient comme frères qui ne se sont pas vus depuis dix ans. Le soir, on fit un grand feu de joie sur la place, et tous, hommes, femmes, garçons, filles, dansèrent une grande ronde autour. À l’abbaye, mon parrain accueillit la nouvelle avec un étonnement silencieux. Dom de Marnyhac applaudissait à la chute de la vieille prison d’État où avaient été enfermés tant de bons gentilshommes, et dom du Fayard riait de ça comme de tout. Quant à dom La Hyerce, il exultait.

— C’est la fin du bon plaisir et des odieuses lettres de cachet ! — s’écria-t-il ; — de ce jour, nous commençons à devenir citoyens !

Le surlendemain, étant monté à sa chambre pour lire une gazette relatant l’événement, je le trouvai fredonnant une chanson qu’il avait faite sans doute, car incontinent que je fus entré il me fit asseoir et me la dicta. Je me souviens encore du commencement :

Sortez tous de vos couvents,
Plus de monastères !
Allez tous, gaillardement,
Vous marier à présent !

Et il me chanta tous les couplets pour m’apprendre l’air.

— Maintenant que nous avons vu luire la première aurore de la liberté — me dit-il en riant, après avoir achevé sa chanson — j’espère que tu ne penses plus à endosser le froc ?

J’avouai que ma vocation défaillait.