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une passoire, les tournait et retournait dans la pâte, et lorsqu’elles étaient bien enveloppées, il les plongeait dans une poêle pleine de graisse bouillante. Ces espèces de beignets de poires bien frits, bien dorés, il les dressa sur un plat, les saupoudra de sucre candi, puis les envoya aux bonnes dames religieuses.

Le soir, frère Luc s’en revint avec moi, comblé de louanges et gratifié d’un petit écu par Mme la prieure.

Ce jour-là, il ne donna pas à sœur Félicité la recette du poulet au safran, faute de temps, dit-il, se réservant de revenir, non pour le petit écu, car il n’était pas vilain, mais, comme je pense, pour revoir la converse, en qui il avait retrouvé une sienne payse, forte fille de Saint-Orse, avec laquelle il se maria plus tard, comme je dirai, ayant jeté l’un et l’autre le froc et la guimpe aux orties.

Pour moi, je ne sais si ce fut les discours de dom La Hyerce touchant le mariage qui me tournèrent les idées du côté des filles, mais ce qui est bien sûr, c’est qu’à l’âge de quinze ans je commençais à les regarder. Quand je dis « les », je parle mal, car je n’en regardais qu’une, la fille d’un nôtre voisin, maître menuisier de son état, gente et frisque drolette de onze ans appelée Rosette. Nous étions bien un peu jeunes tous deux, mais ça n’empêche que je l’aimais bien. Et ça venait de loin, car, du temps qu’elle était encore au maillot, des fois sa mère me disait :