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être dans les mêmes idées que le père syndic à l’endroit du mariage, comme cela se vit apertement plus tard. Un certain jour que, sur la prière des dames religieuses, il allait à Cubas pour donner à la sœur converse la recette des lucquettes et du poulet au safran, je l’accompagnai. J’avais quatorze ans alors et j’étais grandet, mais ça n’empêchait pas la mère vicaire, ni la grosse sœur discrète de m’embrasser, comme lorsque j’avais cinq ou six ans. Depuis lors, elles m’avaient toujours mignardé, caressé, ne s’apercevant point, pour me voir souvent, que je grandissais et devenais jeune drole. Il n’y avait nulle malice dans leur cas, les pauvres vieilles filles ; c’était l’histoire de la femme qui, s’étant adonnée à porter un petit veau dans ses bras, par l’effet de l’accoutumance le portait encore lorsqu’il fut devenu bœuf. Pour dame Angélique, la prieure, elle me faisait bon accueil comme au filleul de dom Cluzel, mais ne m’embrassait plus.

Ce jour-là, frère Luc montra à la sœur converse la manière de faire les fameuses lucquettes, ainsi appelées parce qu’il en était l’inventeur.

Il prit d’abord des poires de bon chrétien, les pela, puis les coupa en tranches et enleva les pépins. Ceci fait, il mit les tranches à cuire dans du vin blanc de Monbazillac, avec de la coriandre et d’autres ingrédients. Pendant la coction, il confectionna une pâte légère, comme pour des crêpes, et y mêla un peu d’eau-de-vie d’oranges. La pâte étant prête et les tranches cuites, frère Luc les prenait une à une avec