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Ce réfectoire était une belle pièce carrée, voûtée à nervures, avec au centre une pierre en saillie sur laquelle était taillée une main tenant une clef de forme très ancienne, espèce de rébus signifiant que cette pierre était la clef de voûte. La table était au milieu, massive, en face d’une grande cheminée garnie d’une laque de fonte aux emblèmes de l’ordre, où brûlait l’hiver un grand feu de bois de brasse, de ce bon bois de causse qui fait de si belle braise. En face de la cheminée était un grand crucifix de poirier sculpté qui oyait les propos des pères, honnêtes toujours, bien entendu, mais point trop austères.

Car il ne faut pas s’imaginer, parce que c’était des religieux, qu’on s’ennuyât à ces repas ; au contraire, ils étaient fort gais, comme ceux de gens qui n’avaient point de soucis en ce monde et comptaient sur leur salut en l’autre. Mon parrain était un homme de savoir qui avait toujours des choses intéressantes et curieuses à dire. Dom de Marnyhac avec ses allures cavalières et gentilhommesques amusait par la verve avec laquelle il contait des histoires et des aventures de chasse dont, je pense, la plus grande partie était le produit de son imagination gasconne. Dom La Hyerce parlait de musique, de livres, de pièces de théâtre, de choses mondaines, et commentait l’Almanach des Muses et le Mercure de France qu’il lisait au château de La Faye. Parfois même, il faisait quelque peu de politique. Pour dom Guerlot, en son vivant il entretenait ses confrères de coups extraordinaires et de combinaisons au jeu de piquet, avec de