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à entendre ma voix grêle résonner sous les vieilles voûtes de l’église : il me semblait être déjà un des religieux.

Cependant, lorsque j’eus douze ans et que j’eus fait ma première communion, mon père me dit un soir :

— À cette heure, il est temps de prendre un état ; lequel te conviendrait ?

— Je voudrais être père bénédictin.

— Y penses-tu ! Ne l’est pas qui veut ! Il faut des protecteurs en grand crédit pour avoir une bonne place comme ça !

Dom Cluzel, consulté, dit à mon père :

— Laissez-le encore quelque temps continuer d’étudier ici. Posé le cas qu’il n’entre pas en religion, cela lui servira toujours pour se faire une position.

Et par ainsi, je continuai à passer mes journées à l’abbaye, travaillant sous les mains de mon parrain et me rendant de mon mieux utile et agréable aux pères, qui m’aimaient tous, les braves gens.

En ce temps-là mourut d’un coup de sang le pauvre dom Guerlot. Aussitôt sa mort sue, plusieurs postulèrent pour avoir sa place, mirent en mouvement leurs amis et patrons et firent apostiller leurs suppliques de la bonne encre. Le curé de Tourtoirac, qui travaillait prou et n’était guère payé, eût bien, voulu passer de la maison curiale à l’abbaye, mais un autre, plus heureux, et mieux appuyé près du seigneur abbé, lui coupa l’herbe sous le pied, comme on dit ; à lui et à cinq autres.