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gargousses pour les canons qui firent reculer l’étranger à Valmy et à Jemmapes.

J’ai dit, ci-devant, que j’étais content de servir la messe et d’avoir ainsi ma petite fonction dans l’abbaye ; mais un jour j’eus une autre satisfaction.

J’étais à la cuisine, faisant collation, en même temps que le vieux Navarre, lorsque le père de Marnyhac, pour lors hebdomadier, entr’ouvrit la porte, tout affairé :

— Frère Luc, on vient de me dire qu’il y a des sarcelles sur la rivière, près du moulin d’Exorbepey… Vous irez bien au chœur pour moi ?

— Certes, oui ! — répondit frère Luc, qui ratissait des carottes, car c’était jour d’abstinence, — et rapportez-en de quoi faire un salmis maigre ; autrement, il n’y a que ça pour souper ! dit-il en montrant les carottes, — et puis une carpe au bleu, — ajouta-t-il, en se reprenant.

Le père parti, je dis à frère Luc :

— Voulez-vous que j’aille au chœur à votre place ?

— Et tu sauras dire l’office ?

— Très bien.

— En ce cas, vas-y. Tu trouveras le vespéral sur la stalle de dom de Marnyhac.

Je me rendis à l’église avec mon habit religieux, et, debout dans une stalle, je psalmodiai l’office en conscience. Loin de me dépêcher et de mettre les mots doubles comme frère Luc et aussi les pères, je me complaisais à réciter les paroles latines avec une lenteur, majestueuse me paraissait-il, et je prenais plaisir