était venu voir son ami Gérémus, le prieur du Vigeois dit formellement que Guy construisit l’abbaye de Tourtoirac !
— C’est, répliquait dom Cluzel, qu’il l’avait fait bâtir avant la donation de 1025 !
Je crois bien que les deux bons pères sont morts sans s’être mis d’accord là-dessus.
Il y avait aussi à Tourtoirac une coutume très ancienne dont mon parrain recherchait l’origine, et qu’il fut tout heureux de trouver. Tous les ans, le troisième lundi de mai, l’abbé de Tourtoirac, haut justicier de la paroisse, ou le prieur qui le remplaçait, se transportait sur le pont et rendait publiquement la justice à qui se présentait, sans citations, plumitif et autres paperasses. De voir ça comme je l’ai vu, c’était un spectacle d’un autre âge. Le pont à arches ogivales, très vieux, bâti avec des angles de refuge, est en dos d’âne, comme tu sais, l’arche centrale étant plus haute que les autres, de manière que les curieux voyaient bien à leur aise tout ce qui se passait. Au milieu du pont, encadré par les grands arbres des deux rives, devant la petite chapelle où est une image taillée de Notre-Dame, dom Cluzel, en habit de chœur, se tenait debout, entouré du juge abbatial, du procureur fiscal, du greffier et du sergent de la juridiction, qui tous chômaient ce jour-là. Les plaids étant ouverts par cette annonce de l’appariteur : « Le seigneur abbé est prêt à faire bonne justice à tous ! » mon parrain faisait expliquer les parties qui se présentaient, et leurs allégations et réponses ouïes,