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-culottes », ou encore de blouses de toile de coton bleue à petites raies, et sur la tête le grand chapeau périgordin à calotte ronde, ou le bonnet de laine tricoté, ou encore la casquette de peau de lièvre. Les femmes étaient vêtues de brassières d’indienne tenues par des bretelles de lisière, ou de corsages de cadis, et de cotillons de droguet ou de serge. Sur leur tête, des madras de coton à carreaux rouges, bleus et jaunes, des coiffes périgordines à barbes, ou de gentils barbichets du bas Limosin. Tout ce monde bariolé, grouillant, parlait, criait, riait. Les propos des buveurs sous les tentes, le débat des acheteurs et vendeurs de poisson, le bruit des conversations, les appels à des connaissances, les chansons des godailleurs, tout ça dans ce vallon sauvage faisait comme un bourdonnement de foire.

Vers onze heures, on commença à « traîner le fagot », comme on dit. Des hommes demi-nus, les jambes enfoncées dans la vase, dans l’eau glacée jusqu’aux reins, tiraient avec des cordes, des faix de branchages dans le milieu de l’étang, où il n’y avait plus qu’une eau bourbeuse, pour amener le reste du poisson à la bonde. Fichue mauvaise corvée, où les pauvres diables risquaient fort de prendre des douleurs et de mauvaises fièvres tenaces. Mais pour une ribote et une pièce de trente sols ils se hasardaient : la misère fait faire bien des choses.

Comme de juste, le père cellérier du Dalon préleva sa redevance avant tous les acheteurs, et, le poisson mis dans des barriques pleines d’eau chargées sur