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entre deux grosses pierres, des femmes affairées faisaient frire le poisson à l’huile de noix dans de grandes poêles, et avaient peine à en fournir à tous ceux qui en demandaient. Des barriques étaient en chantier, où des servantes en tablier de toile tiraient sans relâche pour les buveurs qui cognaient du poing sur des manières de tables dressées avec des planches brutes sur des piquets. Les gens pauvres, ou plus regardants, avaient apporté de quoi vivre, et, assis sur l’herbe, en famille, mangeaient leur pitance et se contentaient d’une chopine prise à un qui vendait le vin à pot et à pinte.

Pour garder vivant le poisson tiré de l’étang, on avait fait des sortes de « serves » ou réservoirs à compartiments, avec des clayonnages et des glèbes de pré bien serrées afin de tenir l’eau. Là, le poisson était mis selon son espèce et grosseur : tanches, brochets, carpes, que des hommes à ce préposés, munis de crochets à peser, vendaient à tous ces gens qui se pressaient en foule pour en avoir, car il est de coutume que chacun en emporte à sa mesgnie ou famille. Ceux qui n’avaient pas d’argent, principalement des droles, se tenaient le long du ruisseau, en aval, et avec des nasses de jonc, des paniers de vîmes attrapaient le frétin échappé aux mailles des grands filets de la bonde.

Il y avait dans cette foule des gens habillés de toutes les manières ; avec des « gipous » d’étoffe burelle, ou de ces vestes à collet droit, que depuis la Révolution on appelle dans nos pays des « sans-