nait, assis sur un escabeau le prieur, dom Tanneguy Aveline, bachelier de Sorbonne et vicaire général de l’ordre de Cîteaux. Ce grave et important personnage, en robe blanche, se leva pour bienveigner dom Cluzel et lui fit prendre un siège semblable au sien. À quelque distance, le frère cuisinier, aidé d’un moine lai, écaillait du poisson et faisait les apprêts du dîner.
Pendant que les deux pères causaient ensemble, moi j’allai voir la pêche de plus près.
L’étang, grand de cent journaux, traversé par le Mureau, tout environné de bois de futaie et de beaux taillis, était déjà plus d’à moitié vide. À la bonde, regardant les gros poissons qui montraient leur échine verdâtre sur l’eau sale, se tenaient de grandes troupes de gens venus des paroisses d’alentour et même d’endroits assez éloignés, comme d’Excideuil, d’Hautefort, de Bonneguise, et de Juillac en Limosin. Même les pères augustins de Châtres, qui étaient bien à trois grosses lieues de pays en tirant vers la commanderie de Condat, avaient envoyé un frère convers avec un mulet de bât, chercher du poisson pour la semaine sainte.
Cette pêche, c’est comme une vote ou frairie de village. Les gens d’âge y viennent chopiner, les amoureux s’y donnent rendez-vous, et ceux qui ont des sous dans leur pochette mangent des fritures sous des tentes montées par des aubergistes forains. Il faisait beau temps, ce jour-là le coup d’œil était gai, rustique et animé. Sur des feux allumés en plein air