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de la place de l’île à Tourtoirac, appartenant au monastère ainsi que la halle. Ce gentilhomme, qui s’était saisi de deux ou trois sacs de noix, fut condamné à les rendre et paya les frais du procès qui allaient à près de neuf cents livres.

Un autre procès se mijotait en ce même temps dont je parle, qui éclata peu après. Le syndic des pauvres de Tourtoirac, maître Rebeyre de Lagrange, docteur en médecine, réclamait au seigneur abbé les arrérages d’une rente de cinq sols par jour, due aux pauvres de la paroisse. Et comme il y avait longtemps que cette rente n’avait été payée, ça faisait une notable somme, et ledit seigneur abbé rétivait à s’exécuter comme un beau diable.

De ce procès-là, je ne sais ce qui est advenu ; je crois qu’il n’était pas définitivement jugé lorsque survint la Révolution, qui mit à pied les abbés et autres seigneurs ecclésiastiques et laïques.

Lorsque mon parrain revenait de chez le lieutenant du sénéchal, ou bien quand il avait, par de longues exhortations, un peu apaisé les fougueux regrets de la pauvre dame prieure, nous passions dans un petit parloir, gentil, avec des vases de fleurs sur la cheminée, et, aux boiseries, des vieilles estampes dans des cadres dorés. Il y avait là aussi un grand tableau peint représentant, selon ce que disait mon parrain, dame Pétronille de Craon de Chemillé, première abbesse de Fontevrault, recevant du bienheureux Robert d’Arbrissel l’investiture de ses fonctions, avec l’autorité abbatiale sur les religieuses, et,