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Pendant que la prieure s’entretenait avec dom Cluzel dans le jardin, ou l’hiver, dans une salle bien chauffée, les deux autres religieuses, avec la sœur converse, préparaient la collation. Autour de leurs cotillons monastiques, moi, j’allais et venais, croquant une dragée ou un berlingot que la grosse sœur discrète me mettait dans la bouche, et leur faisant des questions à n’en plus finir, comme l’interrogant bailli du Huron, de feu M. de Voltaire.

Quelquefois, mon parrain allait conférer, à propos d’une affaire touchant ces dames religieuses, avec leur père temporel, maître Arnaud Lagarène, notaire royal et lieutenant du juge-sénéchal du marquisat d’Hautefort, lequel demeurait à Cubas. Cette charge de père temporel n’était pas une sinécure. On ne se fait pas une idée aujourd’hui du nombre étrange de procès, petits et gros, qu’avaient les gens d’église d’autrefois, chanoines, curés, moines, religieuses, pour des questions de rentes, de dîmes, de redevances en denrées ou en nature, pour des droits effectifs ou honorifiques de toute espèce, établis par l’usage, ou par des actes mal rédigés, avec des clauses incertaines, obscures ou même contradictoires.

Ainsi, en ce qui concernait l’abbaye de Tourtoirac, naguère Jean de Vincenot, le seigneur abbé, avait été condamné par le sénéchal de Périgueux à payer mille livres à l’hospice d’Hautefort.

L’abbaye venait encore d’avoir un procès, qu’elle avait gagné cette fois, contre le seigneur de Montcheuil, qui disputait aux pères les fruits des noyers