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— Va voir si Thibal est chez lui.

Ce Thibal était un ancien tambour et prévôt d’armes du régiment d’Auvergne. S’il était à la maison, dom de Marnyhac y allait tirer la botte. Sa robe dépouillée, en mutande ou caleçon de dessous, il s’allongeait sur la planche, leste et bien découplé ; j’avais grand plaisir de le voir faire.

C’était un bel homme, ce père, de belle figure, et vigoureux, qui eût mieux fait un officier de chevau-légers qu’un religieux bénédictin. S’il faisait ainsi quelques petits accrocs à la règle, ça n’était pas de sa faute à lui seul, mais aussi beaucoup celle de ceux de sa parentèle, qui l’avaient poussé là pour enrichir l’aîné.

Il faut bien dire que les pères ne s’absentaient pas ordinairement tous à la fois. Régulièrement ils auraient dû, les quatre, aller au chœur aux sept heures canoniales, mais ils n’y allaient qu’à none, et encore il y avait entre eux un roulement établi par semaine, et chacun à son tour psalmodiait l’office pour tous. Et même quelquefois, si celui qui était de chœur, l’hebdomadier, comme on l’appelait, avait quelque chose d’intéressant à faire au dehors, il venait trouver frère Luc et le priait de dire l’office à sa place.

— Oui bien, mon père, vous pouvez être tranquille, l’office sera dit.

Et il l’était, en effet, et lestement. On eût dit que frère Luc avalait les paroles latines.

Ceux des pères qui restaient à l’abbaye faisaient collation vers quatre heures, et à sept heures on