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de la besogne spirituelle des pères. Je les aimais bien tous, ces bons religieux, mais en mon bas âge, ce frère convers était mon grand ami. Aussi faisait-il tout ce qu’il fallait pour l’être, me fabriquant des « virebriquets » ou moulinets, des fouets, des clifoires, et me bourrant de flans, de tartes et de fruits de la saison.

Les pères étaient vêtus de grandes robes noires, avec un camail et une sorte d’aumusse qui leur couvrait la tête qu’ils avaient rasée, manque une couronne de cheveux. Et puis ils avaient l’habit d’été, l’habit d’hiver, de façon à n’être point incommodés trop de la chaleur et du froid.

Ah ! qu’on était bien dans cette heureuse abbaye ! De grands murs de vingt-cinq ou trente pieds de haut, dont aucuns sont toujours debout, enfermaient en un seul pourpris la chapelle particulière de l’abbé, qui existe encore aujourd’hui, avec ses pots de grès maçonnés dans la voûte, pour augmenter la sonorité des voix lorsqu’on y chantait les louanges du Seigneur ; puis la maison abbatiale, les bâtiments, les cours, les cloîtres, une charmille, un parterre à fleurs, le verger, le potager, et les pelouses vertes ombragées de beaux arbres qui descendaient en pente douce jusqu’à la rivière de l’Haut-Vézère. Tout cela, jardins et le reste, était arrosé par une dérivation de la belle source qui jaillit au pied des rochers qui dominent le bourg. C’était une bénédiction que de vivre là, retiré du monde, tranquille, heureux, de loisir, avec un maître cuisinier comme frère Luc.