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que le soir. Je fus donc, pour ainsi parler, élevé dans l’abbaye, où j’étais l’enfant gâté de tous les religieux, surtout de mon parrain. Ils n’étaient pas guère, en ce temps-là, quatre seulement. Autrefois, ils étaient bien plus nombreux, comme ça se voyait pertinemment aux stalles de noyer rangées dans le chœur de l’église abbatiale. Mon parrain avait trouvé sur un acte, qu’en 1504 il y avait : le prieur, un sacriste, un camérier et trente-quatre religieux.

Mais pour lors, donc, il n’y en avait que quatre, à savoir, dom Gérémus Cluzel, que les bonnes gens de Tourtoirac appelaient : Moussu l’abbat, mais qui n’était au vrai que prieur claustral. Le véritable abbé de Saint-Pierre de Tourtoirac, tenant l’abbaye en commende, était à Paris où il écrivaillait quelque peu, et se divertissait fort avec les belles dames, ce disait-on. Après le prieur, venait le chantre, dom Hélie de Marnyhac, puis le syndic, dom Méric La Hyerce, et enfin le cellérier, dom Annet Guerlot. Comme ils étaient peu, tous avaient une dignité et des fonctions qui ne les occupaient guère d’ailleurs. Le prieur ne commandait pas, disant que les pères étaient d’âge compétent et assez grands pour se conduire ; le chantre n’avait pas de chœur à diriger, le syndic pas d’affaires à traiter, c’était l’office du juge abbatial, et le cellérier pas de provisions à faire, frère Luc s’en occupant.

Car il y avait aussi frère Luc, petit homme noir comme une mûre, qui veillait à la dépense de bouche, faisait la cuisine, et, des fois aussi, quelques bribes