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— Si j’avais été ici ce jour-là on ne l’y aurait pas enterré ! s’écria le curé. Et je ne sais à quoi tient que je ne le fasse jeter dans le communal à côté !

— Vous aurez ce refus de plus sur la conscience, monsieur le curé ! dit gravement Françoise.

Et tous s’en retournèrent tristement.

Cyprien marchait devant, appelant les bœufs lents ; les autres suivaient. Dans les mauvais chemins, entre les haies vertes, le cercueil recouvert d’un linceul blanc s’en allait, rudement secoué, ce qui arrachait un gémissement dolent à la petite Albine.

— Il ne souffre plus à cette heure ! va, pauvrette ! lui dit doucement Michel.

Le soleil était tombé sous l’horizon lorsqu’ils arrivèrent aux Agrafeils. Le crépuscule du soir descendait sur la terre, et une imperceptible vapeur bleuâtre achevait d’éteindre la lumière amortie que l’astre disparu envoyait encore vers le ciel mantelé de gris.

À cent toises de la maison, dans un boqueteau de pins, les hommes ayant été quérir des pioches et des pelles, posèrent leurs vestes et creusèrent la fosse. Lorsqu’ils eurent fini, avec des cordes, le cercueil fut descendu ; et lors Françoise, s’agenouillant sur les déblais, fit à haute voix une prière patoise pour le mort tandis qu’à ses côtés pleurait la pauvre Albine, et que les autres, appuyés sur leurs outils, regardaient fixement le trou.

Ayant achevé, la vieille fille jeta une poignée de terre sur la « caisse » ; puis la fosse fut comblée, et tous revinrent, silencieux, aux Agrafeils.