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Le cadavre était là, couché, puant horriblement. L’espèce de gros moignon qui restait de la tête, noir de sang grumelé, à moitié rongé déjà, était couvert de fourmis, et un essaim de mouches s’éleva bruyamment lorsque le maire s’approcha.

Le pied déchaussé frappa d’abord tout le monde ; puis on remarqua l’arme restée sur la poitrine.

— Il a ôté son soulier pour faire partir la carabine avec son doigt de pied ! dit un des gendarmes.

— Pour quelle raison se serait-il détruit ? objecta le maire.

À Cadouin où le corps fut rapporté sur un « bayard », sorte de civière qu’on alla quérir, cette question fut longuement agitée, tournée et retournée dans tous les sens. Après beaucoup de commentaires et de suppositions, l’opinion générale décida que le garde s’était « fait justice ».

Les « autorités », fort ennuyées du mauvais exemple donné par un agent du gouvernement royal, élevaient mollement des doutes ; mais les circonstances extérieures et l’examen du corps sur lequel le chirurgien ne trouva aucune trace de violences, leur donnaient tort. Pour raccoutrer la chose, le maire, le juge et le curé tinrent conseil et décidèrent, après mûre confabulation, que Malivert s’était suicidé dans un accès de fièvre chaude. En conséquence, le curé fit l’enterrement le lendemain, et ainsi le scandale fut un peu amorti.

Aux Agrafeils, la nouvelle fut accueillie avec une froide satisfaction.