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petit en arrosant ses fleurs ; c’est que sa présence à la « croisée » était presque un rendez-vous. La veille, en sortant de vêpres, Toinette, qui voyait Kérado tous les jours chez elle à l’heure des repas, lui avait dit à l’oreille :

— Demain soir, à cinq heures, il passera…

Sans bouger la tête, le Breton leva les yeux là-haut et s’en fut heureux d’avoir vu sa belle. Pour Maurette, ce regard se croisant avec le sien lui fit battre le cœur. Dorénavant il ne fut plus nécessaire de la prévenir ; elle l’oyait venir de loin et se montrait lorsqu’il passait. Cela advenait de temps en temps seulement, car quoique Kérado se fût adonné à ce chemin pour rentrer chez lui, il arrivait assez souvent que, retenu au loin par son service, il ne revenait que le soir tard. Elle, à tout hasard, attendait en cousant, soit à la fenêtre, soit à l’entrée de la boutique. Si l’employé des tabacs restait deux ou trois jours sans se montrer, Maurette sentait qu’il lui manquait quelque chose. Ainsi entremêlé de bons et de mauvais jours, le temps s’écoulait et la fête de Notre-Dame arriva.

Ce jour-là, les jeunes gens se tenaient devant le porche de l’église, attendant la sortie de la procession ; les uns pour voir leur mie, les autres pour voir toutes les filles qui se font belles à cette occasion. Dans un groupe où l’on causait, il y avait le receveur de l’enregistrement, bon client du café Montcazel où il prenait chaque soir plusieurs petits verres de crème de vanille pour se donner du ton ;