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se lever, il ouït marcher dans le sentier et vit l’Isabeau qui l’allait rejoindre :

— La vaurienne ! fit-il d’une voix étouffée.

Puis l’ayant laissée passer il s’en fut.

Après avoir guetté souvent en vain, Pierre, s’approchant un jour nu-pieds de la cabane ouverte par devant comme celle des charbonniers, vit le garde étendu sur une paillade de palène et de fougère, faisant la méridienne, sa carabine près de lui.

Il faisait une chaleur pesante ; des mouches voletaient autour de la figure du dormeur couché sur l’échine, lui faisant parfois ciller les paupières et froncer les lèvres. Pierre, tremblant d’être pris d’un accès de toux, s’agenouilla doucement, saisit la carabine et l’arma sans bruit en tenant le doigt sur le déclic.

« Pourvu qu’elle ne rate pas ! » pensait-il.

Avec précaution il approcha le bout du canon tout près, sous le menton du garde, puis se dit :

« Il faut qu’il sache que c’est moi ! »

Et il poussa rudement l’arme.

Malivert ouvrit ses yeux, soudain épouvantés en rencontrant ceux de Pierre. Il souleva sa tête, voulut saisir la carabine, mais le coup partit et sa cervelle jaillit contre les glèbes de la hutte.

Aussitôt Pierre déchaussa le pied droit du mort, laissa la carabine sur sa poitrine et s’enfuit dans les taillis.

— Tu ne manges guère, ce soir, pauvre ! lui dit à souper la Françoise en le voyant laisser sur son