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petit gardeur de brebis qui avait tué un géant d’un coup de pierre au front ; et il se travaillait l’esprit pour, à l’exemple de ce berger juif, se venger de Malivert qui, par sa méchanceté scélérate, était la cause de sa mort.

Comme le garde continuait à persécuter ceux des Agrafeils, et prenait un haineux plaisir à exciter contre eux Jean et Tiennou, qu’il voyait chez l’Isabeau où il s’était remis à fréquenter, souvent il était question de lui aux repas, et chacun le pelaudait de son mieux en rappelant ses iniques vexations. Alors Pierre, oyant ces plaintes injurieuses et ces interminables récriminations, se disait qu’en se vengeant il délivrerait aussi la communauté de la malfaisance de ce scélérat, comme David avait vengé Israël des insultes de Goliath. Mais comment s’y prendre, lui malade et faible, pour avoir raison de cet homme fort et toujours armé ?

Un jour que Malivert avait été maltraité de paroles pour un nouveau méfait, Siméon s’écria :

— Le gueux ! il passe ses vesprées à l’ombre, dormant dans la cabane de la Jasse, mais il se réveille toujours assez tôt pour nous faire des misères !

De ce jour, Pierre se prit à rôder dans le quartier de la Jasse, espérant surprendre le garde endormi. Un jour, il crut tenir sa vengeance : couché dans un fourré il vit Malivert suivre la laie qui menait à la hutte. Lui ne bougea pas pour laisser au garde le temps de s’endormir, lorsque, au moment où il allait