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armées impériales, fut enchanté, en disant la vérité, de témoigner contre les agents du roi ; et devant le tribunal, il affirma sous son serment, que le prétendu délinquant était ce jour-là, et depuis quarante-huit heures, étendu dans son lit, hors d’état de se lever.

Les « autorités », comme disaient les gendarmes, surent très mauvais gré au médecin de ce témoignage qui fit acquitter Lïou ; mais il s’en moquait, étant riche et indépendant de caractère.

En sortant du tribunal, Françoise et Michel s’en allèrent à la prison voir Petit-Pierre. Après beaucoup d’allées, de venues et de difficultés au parquet pour obtenir la permission, le geôlier le fit venir dans la cour, sorte de grand puits carré humide et triste où le soleil ne rayait jamais. En voyant le prisonnier, Françoise, quoique l’attendant, eut peine à le reconnaître. Ce fier garçon, santeux, robuste et bien planté, qui avait été enfermé un an il y avait, n’était plus qu’un corps décharné, à la poitrine enfoncée, aux yeux caves et fiévreux.

— Tu es malade, mon Pierre ? demanda la vieille fille en l’embrassant, les yeux humides.

— Oui, répondit-il en se laissant aller sur un banc.

— Et qu’as-tu, mon petit ?

— Les autres disent que je suis poitrinaire…

— Oh ! fit-elle douloureusement, sans doute que non, pauvre !

En même temps, comme pour attester qu’il avait dit vrai, Pierre fut pris d’un fort accès de toux qui lui déchirait la poitrine.