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Car elle en avait un, l’enfant. Ce beau gars breton s’était logé dans son cœur. C’était un amour naissant, tout jeunet, tout frêle, éclos de quelques jours seulement, et que les paroles de Marion Caraval lui avaient révélé.

Le lendemain était un dimanche. Maurette mit sa robe de mousseline gris clair à fleurettes pompadour, et noua autour de son cou un ruban de velours noir où pendait une petite médaille en argent de Notre-Dame de Rocamadour. Lorsqu’elle passa au bout de la promenade de la Croze, allant aux vêpres, son livre d’heures à la main, trois jeunes gens étaient là, faisant les cent pas : le docteur Miquel, Gaudet le receveur de l’enregistrement, et Yves Kérado, tous trois commensaux de l’hôtellerie du Coq Hardi. Le vérificateur des tabacs regarda passer Reine, comme s’il l’avait voulu manger. À travers ses longs cils baissés, la petite saisit ce regard chargé de passion et en fut toute joyeuse. Pendant l’office, en chantant les versets des psaumes, elle se disait : « J’ai un amoureux ! » Et sa voix en était plus chaude, plus caressante, plus pénétrante, de manière que dans le fond de l’église Kérado, entré avec ses compagnons qui lorgnaient les filles, en fut tout remué.

Le lundi soir, en revenant de visiter les plantations, Yves passa devant la maison du coutelier. À la grande fenêtre à meneaux du pignon, Reine s’encadrait joliment entre un réséda dans une petite caisse, et un gros pied de basilic dans un vieux pichet de faïence à ramages. Sa main tremblait un