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— Grande bête ! lui dit sa femme en se levant.

L’Isabeau était fort encolérée de ce résultat qu’elle attribuait à la façon dont Jean avait laissé voir combien peu il tenait à être choisi. Mais, dès le lendemain, elle changea de manières et fit la cagnarde près de Michel, dans la pensée de le gagner. Elle lui fit entendre qu’elle était bien aise, au fond, qu’il eût été choisi, et de là en avant, s’efforçait de l’apprivoiser avec des paroles mignardes et des mines amiteuses. Elle s’attifait de son mieux pour lui plaire, et, comme par hasard, se trouvait toujours sur son chemin.

Au bout de quelque temps, las de ce manège, un jour que l’autre l’avait suivi à la grange, Michel lui dit rudement :

— Je te veux bien avertir que tu perds ton temps et tes peines, et qu’il ne te sert de rien de faire des yeux comme une chèvre en gésine !

— Que voulez-vous dire ?

— Penses-tu que je ne te vois pas faire ? Tu me suis partout !

— Ça, c’est vrai que je ferais tout pour vous…

— En voilà prou ! Tu comprends bien que je ne veux point prendre la femme de Jean, ni la gueuse de Malivert ! Ainsi, cesse Les grimaces.

Malgré cette vive rebuffade, l’Isabeau continua encore quelque temps ses « grimaces », comme disait Michel. Mais lorsqu’elle vit que le maître restait insensible à ses avances, qu’elle perdait l’huile dont elle lissait ses cheveux durs, et qu’il lui fallait faire son