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plaisaient. Elle était de ces femmes qui estiment les hommes forts, qui aiment à être brutalisées, comme si la dureté de la poigne était symbolique d’énergie virile. Ces coups d’aiguillon lui semblaient une rude caresse.

À quelque temps de là, le vieux Bertrand mourut après une courte maladie, pendant laquelle s’éveillèrent les ambitions de l’Isabeau qui supportait malaisément la maîtrise de Françoise. De prendre la place de celle-ci, il n’y fallait point penser ; mais elle se disait que si Jean était choisi, elle-même commanderait par lui. D’après la sage coutume des Agrafeils, la ménagère ne pouvait être ni la femme ni la sœur du maître. Mais rien n’empêchait celui-ci ; s’il était faible et borné, d’être gouverné par sa femme.

La question était donc pour l’Isabeau de faire tomber sur Jean le choix de la communauté ; mais la chose ne paraissait pas facile. Lui d’abord répugnait au commandement. Comme un bon fort bœuf il faisait pesamment son ouvrage, sans négligence comme sans ardeur ; mais il ne se souciait pas d’avoir le tracas d’ordonner et de diriger, ce à quoi il se sentait du tout inhabile. Cependant, travaillé par sa femme, afin d’avoir la paix, il la laissa intriguer pour lui. Les autres parsonniers, sauf Tiennou et Michel, étaient dans les mêmes dispositions que l’Aîné ; ils ne recherchaient pas la maîtrise ; à qui la donneraient-ils ? Eux-mêmes ne le savaient trop. D’après le vieux droit de primogéniture si puissant