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— Michel va labourer à la terre du Picatal et semer le blé rouge ; tu le suivras pour aller devant les bœufs… Lïou, qui n’est pas fier ces jours-ci, touchera avec l’Albine.

Après le dîné, chacun s’en revint à l’ouvrage. Michel ayant lié ses bœufs, prit son aiguillon et s’en alla, suivi de la femme de Jean. Lorsqu’ils furent hors de vue derrière un « randal », ou forte haie, le bouvier se planta et, sans autre façon, dit à celle-ci :

— Coquine ! il faut que j’étrenne ma « gulhade » sur toi ! Tu voudrais faire de cette pauvre drole une vaurienne comme tu es !

Et, disant cela, il appliqua sur les reins de l’Isabeau quatre ou cinq bons coups qui firent voler la poussière de ses cotillons.

— Et fais bien attention de n’y pas revenir !

Elle se mit à pleurnicher.

— Je ne mérite point ça de votre part ! dit-elle.

— Ça serait à Jean de te corriger ; mais puisqu’il n’ose, ni personne, il faut bien que je le fasse… Ha ! ha ! ajouta-t-il en poussant les bœufs devant lui.

— Si vous aviez droit sur moi, comme Jean, je n’aurais pas besoin d’être corrigée…

— Que le grand Diable et l’Aversier m’en préservent d’être à sa place !

Elle disait vrai, l’Isabeau ; cette correction achevait de la conquérir. Elle ne faisait cas de son homme, ni des autres, mous, fors au travail, simples, sans idées ni volonté. Mais cette vigueur, cette décision de Michel, la maîtrise qu’il s’attribuait sur elle, lui