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— Coquine ! si tu reviens conter à ton goujat de Malivert ce qui se dit chez nous, je te casserai les reins !

Cette menace et l’apostrophe ne la fâchèrent pas. Michel, remis en pieds, était un beau garçon ; avec sa moustache et ses courts favoris militaires, il avait une autre figure que Jean, et il ne déplaisait pas à l’Isabeau d’être rudoyée par lui. Elle rattrapa l’Albine qui devant cheminait, et avec la petite s’en alla toucher les brebis, comme de coutume depuis que le pauvre Pierre n’était plus là.

Dans l’après-midi, comme elles étaient à la lisière de la forêt, la femme de l’Aîné dit à la pastourette :

— Cette pluie des jours derniers doit avoir fait sortir des champignons ; tu devrais aller dans le quartier de Malefaye en ramasser un plein panier…

— C’est que j’ai peur du garde !

— Que tu es sotte ! Il ne te mangera pas, d’autant qu’aujourd’hui il est à Bouillac pour une coupe qui se doit donner.

Albine prit le panier où elle avait porté leur « merenda » ou collation et entra dans le bois. Une demi-heure après l’Isabeau l’ouït crier, au secours, et puis la vit sortir de la forêt en courant.

— Qu’est-ce qui te prend ? demanda-t-elle, lorsque la petite fut là, pâle, essoufflée.

— C’est ce mauvais Malivert qui me suivait…

— Tu es une bestiasse ! Il ne te veut point de mal…

La bergerette ayant conté la chose à Françoise, celle-ci dit à l’Isabeau le lendemain :