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— Enfin, tu t’en es échappé, de ce foutu pays ! dit le vieux Bertrand.

— Oui, et à grand’peine ! Mais pour ça mes misères n’ont pas été finies. Depuis qu’un pêcheur de Saint-Jean nous mit à terre à la frontière, cinq qui nous étions sauvés, j’ai encore rudement souffert du fait des Français !

Et il dit comment les gens du roi le connaissant pour un soldat de « l’autre », le traitaient de brigand, lui avaient refusé l’étape ; et, comment sans un sol en poche, miné par la fièvre, il s’était traîné lentement, pendant près de deux mois depuis la grande mer, vivant de charité, couchant dans les étables, suspecté de tous comme un scélérat, arrêté des fois par les gendarmes, interrogé par les maires ; puis relâché, continuant sa route, il était enfin arrivé aux Agrafeils, crevant de faim et à moitié mort de fatigue.

— En finale, conclut-il, le roi d’à présent ne vaut pas mieux que l’empereur d’antan ! C’est toujours un maître qui se gausse du pauvre peuple !

— Tu as bien raison, Michel ! dit un des parsonniers. Quand on pense que ce pauvre Petit-Pierre est fermé là-bas dans la prison de Bergerac, par la canaillerie de ce mauvais garde-forêt du roi, c’est à se bailler au diable !

— Encore vaudrait-il mieux se donner au bon Dieu, mon Siméon, objecta la Françoise.

— C’est bien tout pareil, puisqu’il laisse faire tant de coquineries !

À quinze jours de là, les gendarmes vinrent aux