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les ondulations des terrains en lignes géométriques heurtées, et venaient rejoindre au bord d’un petit vallon, les prés reverdis arrosés par un ruisselet non guère plus large qu’un fossé. Une vapeur légère, montant des fonds encore humides de la rosée nocturne, flottait sur les bois au souffle d’un vent doux, et, peu à peu, se dissipait sous les rais obliques du soleil au tiers de sa course céleste.

Par moments, l’homme fermait les yeux, comme fatigué de voir ces choses, puis, lentement, avec effort, il se dressa debout et descendit vers la combe. Les pierres roulaient sous ses pieds chaussés d’espadrilles de corde usées, et il se retenait à l’aide d’un fort bâton. Ses vêtements en haillons, décolorés, ses joues creuses embroussaillées d’une barbe sale, sa tête amaigrie coiffée d’un vieux madras de coton noué sur la nuque, accusaient la misère et la souffrance.

Arrivé au fond du vallon, l’homme traversa difficilement le petit ruisseau en passant sur de grosses pierres, là mises à l’exprès, et commença à gravir péniblement le coteau des Agrafeils. Souvent il se plantait, essoufflé, s’étayant de son bâton et regardait la maison, comme s’il eût douté d’y arriver. Cependant, après de nombreuses pauses, il entra dans la cour, et, la traversant, vint à la cuisine ouverte.

— Vous avez l’air fatigué, pauvre homme, dit la Françoise qui s’était avancée sur la porte ; entrez vous reposer.

L’homme alla au « cantou », s’assit, et accota sa tête souffreteuse à l’encoignure de la cheminée.