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Lorsqu’elle avait pris Jean, c’était en un moment de dépit, piquée de voir Malivert la délaisser pour un autre cotillon du voisinage. Et puis juste alors, elle avait été inquiète quelque temps, craignant fort d’être « embarrassée ».

Maintenant, le garde revenait à elle quelque peu et la recherchait par calcul. Ce grossier débauché, habitué aux rustaudes filles de village, convoitait la mignarde petite Albine avec cette âpreté de désirs que les libertins dépravés éprouvent pour la jeunesse innocente. Il savait l’Isabeau capable de le servir en ceci, tant pour avoir part à ses sales faveurs que par cette haineuse et basse envie que les femmes perdues portent aux filles sages. Cette créature vicieuse détestait en Albine l’enfant joliette et la vierge ingénue ; aussi eût-elle été heureuse de la faire chuter et de la pervertir.

Mais bientôt le garde comprit que la connivence de la femme de l’Aîné lui serait inutile, tant qu’il ne se serait pas débarrassé de Pierre, qui ne quittait pas la bergerette. Comme les scrupules ne l’embarrassaient guère, il guetta le garçon qui souvent allait dans la forêt, chercher des nids, ou ramasser des champignons, et un jour le saisit au collet, l’accusant d’avoir « charmé » des arbres pour les faire crever. Le Pierre se défendant fort de la chose, Malivert voulut l’entraîner sous le prétexte de lui montrer un frêne auquel il venait d’enlever, disait-il, un anneau d’écorce au pied. Le prétendu délinquant résistant et se débattant, il y eut une collision, au