Moins de six mois après, ce fut une autre affaire. Une truie d’humeur vagabonde, entravée pourtant avec un « tabasteau », ou billot, au col, s’écarta du troupeau des aumailles et entra en forêt. Rencontrée de male chance par Malivert, il s’ensuivit un nouveau « verbal », comme disait Bertrand. Seulement, une amende de vingt sous, tarif légal par tête porcine, c’était peu ; aussi, pour corser la contravention, le garde y ajouta bravement tout le troupeau : vingt-sept brebis, trois chèvres et même la bourrique, ce qui, à raison de quarante sous d’amende par bête à laine, de trois francs pour la bourrique et de quatre francs par chèvre, arrondit les amendes à soixante-dix francs, plus les frais. Ainsi jugea le tribunal, malgré les vives dénégations de Pierre.
Le soir, au retour de Bergerac, lorsque le maître annonça le résultat, il y eut un beau tapage aux Agrafeils. Tous les communiers, à la fois, juraient, sacraient, reniaient, détestaient la justice, et maudissaient le garde avec des bordées d’injures à double détente.
— Ce brigand-là nous veut faire manger tout notre bien ! s’écria Siméon.
— C’est sûr ! approuva Tiennou.
— Si tous ceux à qui il a fait des canailleries pareilles m’en voulaient croire, nous prendrions nos fourches-fer et nous lui courrions sus comme à un chien enragé ! ajouta Cyprien, qui était colère.
— C’est un méchant homme, et bien injuste, mon pauvre Cyprien — dit la Françoise — mais c’est un homme tout de même, et non un chien.