Aussitôt, Pierre fut debout et vit, en haut du talus, Malivert qui ricanait méchamment.
C’était un homme qui avait passé la quarantaine, grand, épais, bancal, aux cheveux châtains sales, qui sortaient de sous sa casquette roides comme des soies de sanglier, et dont une surdent pointue et jaune retroussait la babine.
Les ayant regardés un instant de ses petits yeux de cochon, le garde dit roguement :
— Ce feu est trop près de la forêt ! Je vous déclare procès-verbal à tous deux.
Et posant sa carabine contre un arbre, il tira d’une poche de dessous son gilet un petit cahier de papier sale et un crayon.
— Comment vous appelez-vous ?
— Albine Agrafeil.
— Ton âge ?
— Quinze ans depuis la Saint-Martin.
— Tu commences de bonne heure !
— Et toi, le galant, ton nom ?
— Pierre Agrafeil !… pas à ton service !
— Tu chantes haut, jeune coquelet !… Quel âge ?
— Dix-huit ans !
— Vous êtes tous deux de ces mauvais parpaillots des Agrafeils, n’est-ce pas ? Oui ? c’est bon, votre affaire est claire !
Et ricanant derechef, Malivert serra son cahier, reprit sa carabine et s’en fut.
Ce procès-verbal mit en grand émoi la communauté. Le soir, en soupant, puis à la veillée, le garde fut