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Cet arrangement fut très plaisant à la petite et au Pierre, car tous deux étaient toujours à se rechercher et à épier l’occasion d’être ensemble. Donc, tous les jours après avoir mangé la soupe, ou bien de la bonne bouillie de maïs toute chaude, ils s’en allaient ensemble, suivis de Griset ; Petit-Pierre portant dans un havresac du pain avec un fromage de chèvre, ou deux pommes, ou encore des noix, pour le « brespailhas », qui est à dire la collation. À l’orée d’une friche, d’une grande lande, ils s’arrêtaient au pied d’un chêne ou d’un vieux châtaignier, et pendant que les brebis paissaient les herbes courtes venues entre les pierres ou sous les brandes, et que les porcelets cherchaient les glands le long de quelque bordure, ils allumaient un feu de bois mort et se tenaient auprès, Pierre faisant des paniers de vîmes, et Albine filant avec une quenouille de sorbier toute neuve, que lui avait faite son ami.

Tout le jour, ils babillaient et s’entretenaient de choses pas bien curieuses sans doute, comme pouvaient faire des enfants qui n’avaient jamais quitté la maison des Agrafeils, et ne savaient de la vie que le peu remarqué autour d’eux. Le chien, assis près, surveillait les bêtes, et, au commandement de la pastourelle, galopait en aboyant pour ramener les ouailles qui s’écartaient trop loin. La tentative de Malivert avait épeuré la petite, quoiqu’elle n’en comprît pas bien le but. Quant à Pierre, innocent comme elle, il en était pourtant fort encoléré, de manière qu’entre eux les propos roulaient souvent