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jusqu’aux oreilles, s’assit à côté de la novie qui n’avait pas l’air autrement émue. C’était une grande robuste gaillarde, point laide, laide, si l’on veut, mais homasse de figure et un peu grossièrement équarrie. Pour les Agrafeils qui estimaient surtout la charnure et la force, c’était une belle novie ; aussi Tiennou traduisit-il la pensée de tous en disant aux autres :

— Crâne femelle, mes amis !

La noce fut ce qu’étaient en ce temps-là les noces de campagne, copieuse en victuailles et notable en beuveries. De deux grosses pièces de poulaille bouillie, de plusieurs grandes platées de fricots divers, et d’un rôt de deux gros « piots », ou dindons, il resta les os que les chiens faisaient craquer sous la table. À une douzaine qu’ils étaient, les convives mirent à sec un baril de demi-charge ; aussi vers le soir étaient-ils tous avinés, et rouges de la trogne comme des coqs de redevance.

Au surplus, la « lie-chausse », ou jarretière de la mariée, fut correctement enlevée par Tiennou, selon l’antique usage, et on n’eut pas manqué de porter aux époux le « tourin » ou soupe à l’oignon traditionnelle congrûment poivrée, si l’état de Jean, qui se trouva saoûl comme une grive en temps de vendanges et qu’il fallut porter au lit nuptial, n’eût fait juger cette cérémonie inutile.

Deux jours après, les nouveaux mariés arrivèrent aux Agrafeils à la tombée de la nuit. L’Isabeau marchait devant, fière, droite, bien assurée, sans