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— Souvenez-vous de tout ça, mes petits, pour le répéter à vos enfants quand je n’y serai plus !… Maintenant, Pierre, va-t’en faire tomber du foin pour donner aux bœufs, et toi, Nine, porte deux ou trois brassées de regain aux brebis ; moi je vais appareiller le souper.

Au soleil entrant, le vieux Bertrand revint de La Salvetat, les jambes ballantes sur la bourrique, ayant réussi en deux entrevues à décider le mariage de Jean. Pour les autres, ils rentrèrent au moment où la Faurille servait sur table une grande pleine platée de haricots avec des couennes. La plupart avaient les oreilles et les pommettes rouges pour avoir fait carrousse à Cadouin, ce que voyant, la Françoise les vespérisa de la bonne façon.

— Si ça n’est pas une honte, de voir des chrétiens se rendre pareils à des bêtes ! Et pires que des bêtes, car notre chien ne boit qu’à sa soif et sait toujours se conduire ! À quoi pensez-vous, pauvres gens, d’aller laisser votre peu de raison au fond des pintes !

— Là ! là ! ne te fâche pas, fit Tiennou, pour une pauvre petite fois, ça n’en vaut pas la peine !

— Cette petite fois que tu dis, revient tous les dimanches, sans compter les jours de foire, soit pour l’un, soit pour l’autre !… Si vous étiez des hommes, vous comprendriez que le bon Dieu vous a baillé le vin pour vous mettre au corps force et courage au travail, et non pour vous faire trébucher !

Tous baissaient le nez sur leur assiette, pendant que la Françoise parlait, la tête haute, les yeux