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et occupait ses loisirs dominicaux à repasser dans son esprit les souvenirs de l’ancienne foi huguenote, transmis par son aïeule, et à en entretenir Petit-Pierre et l’Albine, orphelins dès leur bas âge, à qui elle avait servi de mère.

Il y avait, dans la maison des Agrafeils, un vieux cahier couvert de parchemin, où un ancêtre illettré avait retracé en images grossières l’histoire de la communauté persécutée. Cela était naïf et ressemblait à ces figures informes et grotesques que les enfants charbonnent sur les murailles ; mais les légendes non écrites, transmises verbalement de père en fils, étaient terribles. En feuilletant ce cahier, la vieille Françoise se confirmait dans la négation et l’horreur du papisme, qui avait martyrisé les anciens Agrafeils.

Ce dimanche-là, pendant que les autres parsonniers chopinaient à Cadouin, elle montrait aux deux enfants ce cahier jauni rongé par les vers.

Le premier dessin représentait un bonhomme dans un bateau, une rame à la main, le corps de profil, et la tête de face, semblable à une boule de quilles.

— Celui-ci, — disait la Françoise à Petit-Pierre et à l’Albine, — celui-ci est Daniel Agrafeil, condamné aux galères à vie pour la religion.

Sur le feuillet suivant, on voyait un moine, caractérisé par son froc et une couronne de cheveux roides comme les crins d’une brosse, emportant à grandes enjambées un enfant sous chacun de ses bras.

— Ici, ce sont deux enfants de Paul Agrafeil,