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d’une main une brebis par la queue, et de l’autre cognant avec sa quenouille sur la tête d’un loup qui tenait la pauvre ouaille par le col, cependant que le chien harpignait la bête sauvage par derrière.

En voyant arriver courant le garçon armé d’une cépée coupée à la hâte, le loup lâcha la brebis étranglée, et après un coup de dent au chien rentra dans le fort.

— Tu as eu peur, Nine ?

— Que non ! mon Pierre ! répondit la vaillante petite, les yeux brillants. Seulement, j’ai cassé ma quenouille sur cette male bête !

— Je t’en ferai une autre plus jolie, tu verras…

La drolette sourit en montrant ses petites dents blanches.

— Oui, mon Pierre… Je t’aimerai bien, va !

— Sans ça tu ne m’aimerais pas ?

— Si ! si ! Je t’aimerais tout de même !

Ils étaient debout, tout près l’un de l’autre. Pierre regardait amiteusement la pastourelle un peu émue, dont la jeune poitrine soulevait la brassière de serge brune. Il trouvait un plaisir grand à la considérer ainsi, simplette, avec son cotillon de droguet bleu et sa cape de grosse étoffe burelle, sous laquelle passaient des frisons de cheveux roux comme des épis de maïs, qui se tortillaient sur le front. Il trouvait doux, ces yeux gris pointillés de vert que la petite fixait sans embarras sur les siens ; et il remarquait éjoui, sur sa figure mignarde, quelques petites taches de rousseur pareilles à des miettes de pain bis dans du lait.