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territoire de la forêt par eux « essartée » ou défrichée prirent le nom de l’habitation et lieu-dit, ou bien, comme les Guittard de la communauté de Pinon dans la Basse-Auvergne, l’échangèrent contre leur nom patronymique ; ceci en admettant que, lors de la concession faite au quatorzième siècle par un archevêque de Bordeaux, seigneur de Belvès et de la Bessède, ces pauvres pieds-terreux eussent un autre nom que celui de leur baptême.

Des cinq familles et des quelque quarante Agrafeils composant la communauté un siècle et demi auparavant, il restait en 1816 dix descendants des premiers colons associés, dont neuf étaient en ce moment attablés pour le repas des funérailles d’Annie, portée en terre le matin même. Les autres convives étaient des parents du voisinage, issus de filles des Agrafeils mariées hors de la maison, avec cent écus de dot pour toute légitime, selon leur coutume. Les persécutions religieuses et les guerres du Roi-Soleil, la misère des temps, et en dernier lieu les levées de la République et la conscription de Bonaparte, avaient réduit des trois quarts la population de la communauté. En ce moment même, un Michel Agrafeil, âgé de vingt-huit ans, n’était pas revenu au pays après le licenciement des « Brigands de la Loire », tué dans les grandes boucheries des derniers temps de l’Empire, ou peut-être prisonnier sur les pontons espagnols, ou dans les déserts glacés de la Sibérie ; on ne savait.

Ces bonnes gens qui tablaient au retour du cimetière, selon l’usage, s’entretenaient de la défunte