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mais une robuste fille, mûre et saine, qu’un sang riche tourmentait et troublait parfois. Autour d’elle, le dimanche, les garçons venaient rôder, d’autant plus que le père Cabanou passait pour avoir bien de quoi ; mais elle les rebutait tous et un seul lui tenait au cœur.

La nuit, souvent l’amour la tenait éveillée. Fiévreuse, elle se retournait dans son lit, pensant à son ami Blaise et souhaitant ardemment l’avoir là, près d’elle. Le souvenir de la veillée nocturne qu’ils avaient passée ensemble lui faisait à cette heure palpiter le cœur. Quelquefois, dans un demi-sommeil, ses lèvres s’entr’ouvraient pour un baiser, et elle étendait les bras comme pour le saisir.

Une nuit, le coq rouge de Comberousse venait de chanter pour la première fois, et la Mondinette, qui n’avait pas encore fermé les yeux, se roula dans le lit en murmurant : « Il est minuit… où est-il en ce moment ?… » Coup sec, au moment où cette pensée lui venait, elle ouït gratter à ses contrevents. « C’est lui ! » se dit-elle ; et, sautant à terre, elle alla ouvrir la fenêtre doucement.

À peine avait-il mis les pieds dans la chambrette, qu’elle lui jeta les bras autour du cou : « Blaise ! Blaise ! mon gentil ami ! » soupirait-elle…

Ils avaient oublié les heures, lorsque le coq chanta pour la troisième fois.

— Le jour va naître, dit-elle en s’asseyant sur le lit. Tu vas t’aller cacher dans les taillis et sur le coup de midi, tu reviendras comme si tu ne faisais que d’arriver.