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À Vern, ce mariage avait fait quelque bruit. Quoique les idées nouvelles commençassent à se produire, les « honnêtes gens » blâmaient amèrement Mme Charlotte de s’être mésalliée, de n’avoir pas « gardé son rang ». Même la Toinou, maintenant « logée » à Comberousse, moyennant un petit écu par mois, le réprouvait fort :

— Vous ! disait-elle un dimanche à son ancienne maîtresse. Vous ! deux fois noble, relicte du défunt seigneur de Roquejoffre, prendre Jouanny ! un artisan ! C’est un bel homme, sans mentir et un brave homme ; mais c’est un fils de pieds-terreux ! Si vous en étiez tant amoureuse, que ne le preniez-vous sans épousailles !

— Jésus ! que me dis-tu là, Toinou !

— La vérité, dame ! aussi vrai que je me mettrais au feu pour vous ! Que dira le jeune monsieur, en voyant que vous avez perdu votre nom ?

Mais les mois se passaient et Blaise ne revenait pas. La dernière fois que Champarnal l’avait vu, le garçon lui avait remis quelques assignats pour sa mère. Depuis, il avait quitté le courtier chez qui il avait été placé, sans qu’on sût ce qu’il était devenu ; en sorte que la Mondinette se désolait fort de n’en avoir plus de nouvelles.

C’était maintenant une belle fille de dix-sept ans, la cadette de Cabanou ; forte, bien vivante et drue comme ça se voyait à ses yeux vifs et à son sourire amoureux. Ce n’était plus l’enfant innocente que Blaise chatouillait lorsqu’il l’embrassait dans le cou,