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temps de Jouanny et de son heureux retour. À un moment, la vieille fille dit, affectueusement taquine :

— Avec tout ça, vous ne pouvez plus rester chez nous, maintenant que le voilà revenu… ça ferait bavarder sur votre compte.

— Vous avez raison… fit tristement la veuve.

— Il y aurait bien un moyen de tout arranger…

— Lequel ? demanda Mme Charlotte en rougissant dans l’obscurité.

— Ça serait de vous marier ensemble…

— Oh ! Mette ! fit l’autre en l’embrassant.

Quinze jours après, devant la municipalité, les deux amoureux se marièrent sans bruit, comme il convenait, et se passèrent de la bénédiction du curé réfractaire. En rentrant à la maison où Mette avait préparé un modeste repas, Jouanny dit à sa « novie » :

— Depuis que je vous connais, je vous ai toujours vue dolente et triste. Aujourd’hui, si votre cœur est content, je voudrais vous voir un peu gaie.

Alors, la figure sérieuse de Mme Charlotte s’illumina d’un beau sourire de la bouche et des yeux :

— Mon ami, dit-elle en se serrant contre lui, je suis bien heureuse !

Il y avait pourtant un léger nuage sur le bonheur de l’épousée. Elle n’avait pas mandé son fils à son mariage, sous le prétexte du danger qu’il aurait couru en venant, mais à la vérité aussi par une sorte de pudeur maternelle de se marier ayant un si grand garçon ; et, pour la même raison, elle appréhendait son retour.