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eu assez de peines, il lui en vint d’ailleurs d’une autre espèce.

Un matin, la Toinou, après avoir « tiré » la chèvre, la lâcha au milieu des ruines qu’elle escalada pour brouter les pointes de ronces, et, rentrée, annonça en posant le lait sur la table, que ce « gueux de Chinourcq » montait dans le chemin.

Ce Chinourcq était un ancien savetier de Vern, vieil usurier qui avait fait dans le temps de bonnes affaires avec le défunt Monsieur de Roquejoffre. La venue de cet homme impressionna péniblement Mme Charlotte, qui appréhenda aussitôt quelque nouveau malheur.

Dix minutes après, l’homme arriva en haut du puy, considéra d’un œil fâché l’état de délabrement des bâtiments, et, en marmonnant, finit par entrer. Sans gêne, après un bref « bonjour », il s’assit avant d’y être convié. Puis il leva la tête au plancher percé de l’étage au-dessus, examina les murs décrépis, les châssis pourris des croisées et poussa un soupir :

— Ça n’est pas en bon état ici ! dit-il.

— Pardi ! nous le savons bien ! répondit la Toinou, de méchante humeur.

Mme de Roquejoffre, inquiète, regardait ce petit homme maigre, en culotte de ratine usée, aux bas reprisés, qui ramenait sur ses genoux pointus une grande lévite de cadis, et qui, avec sa figure jaune, semblait un casse-noisette de buis coiffé d’un mauvais chapeau roussi et déformé.